Le confinement dans la Bible

De l’abbesse de Pradines le 17 mars 2020

Etant donné ce temps particulier que nous vivons (et qui risque fort de durer), j’ai cherché quelles paroles de Dieu pouvaient nous aider à faire ensemble cette traversée du désert, et à la faire en communion avec tous nos frères et sœurs qui sont touchés de près et de loin par cette épidémie (et beaucoup plus touchés que nous…).

J’ai cherché dans la Bible quelques expériences de « confinement »,… et j’en ai trouvé quatre qui peuvent nous dire une parole… (Il y en a sûrement beaucoup d’autres !)

* Premier cas de confinement : Noé dans l’Arche (Gn 6 et 7) :

il y est entré par obéissance, sans un seul mot, avec non seulement toute sa famille, mais toute la création, représentée par un ou plusieurs couples d’animaux de toutes sortes, ce devait être quand même une cohabitation un peu rude et un « bazar » certain !… sans grande possibilité de prendre l’air ! Un confinement sonore et sûrement pas inodore ! Mais l’entrée et la vie dans l’Arche était une mesure de sauvegarde, de salut, le salut d’un petit reste et de l’avenir de la création toute entière, tandis que les hommes étaient engloutis dans le déluge « car la méchanceté de l’homme était grande sur la terre et son coeur ne formait que de mauvais desseins à longueur de journées » (Gn 6,5).

Et cela nous rejoint dans un certain sens : le confinement de plus en plus strict est une mesure de protection, de sauvegarde à respecter, en se sentant chacun responsable et cela concerne là aussi toute la création qui est comme une grande arche qui nous porte tous. Vivre donc ce temps en communion avec « tout ce qui a haleine de vie » sur la terre, « tout ce qui est chair » selon Gn.

 

* 2ème cas de confinement : Jonas dans sa baleine (Jon2.1-11).

Ici, c’est plutôt la désobéissance qui a mis notre pauvre Jonas dans cette triste situation… dont nous n’avons pas beaucoup l’expérience ! Le confinement dans le ventre du gros poisson est pour lui, non plus l’élargissement à toute la création mais pour rentrer dans les profondeurs de lui-même : dans cet espace clos, c’est le moins qu’on puisse dire, il crie vers Dieu, il fait retour sur soi, c’est alors le lieu de son retournement, de sa conversion. Quelques lignes de Francine Carrillo : « Le ventre qui recueille Yonah s’annoncerait-il comme un lieu destiné au re-cueillement, un lieu pour re-cueillir les miettes de soi sous le regard de plus grand que soi ? Dans cette matrice flottante, Yonah reste en gestation 3 jours et 3 nuits. C’est le temps qu’il faut pour passer du néant à l’être, de l’enfermement en soi, à l’être qui fait être » et un peu plus loin : « C’est là dans l’épreuve de la nuit où tout recours semble impossible qu’il entend (…) ce qui vient en 1er dans son histoire comme dans l’histoire de chacun, c’est un amour impossible à décourager, un amour de toute éternité » (p 69 ;75).

Pour nous, nous sommes privées de beaucoup de contacts, plus d’hôtes, de clients, de parloirs, plus de participants à nos offices, etc… Que ce confinement dans la matrice communautaire, un peu austère, qui tombe pendant le temps du Carême, nous pousse à l’intériorité, à être plus attentives aux appels de l’Esprit, à écouter dans le silence et le recueillement et à crier vers Dieu comme Jonas, avec toutes les paroles de psaumes, ceux de la liturgie et ceux que nous composons dans notre prière ;

* 3ème cas de confinement : Les disciples au Cénacle, le jour de la Résurrection. Ils sont confinés par peur. Peut-être aussi par remords, par tristesse : Jésus est mort, il n’y a plus d’espérance, ils l’ont lâchement abandonné et maintenant les autorités juives les pourchassent. Mais Jésus vient, et se tient au milieu d’eux. Il leur donne son souffle et sa Paix, et les envoie à toutes les nations. Ce confinement est le point de départ d’un dynamisme missionnaire qui les portera jusqu’au bout du monde.

Que ce temps d’épreuve nous affermisse nous aussi dans la foi au Ressuscité qui se tient au milieu de nous, de tous et qui nous ressource dans notre mission pour le monde. Au Cénacle, il est venu au milieu de ses frères, leur faire don de la fraternité, fruit de sa Passion et de sa Résurrection. Reliées à tous ceux qui souffrent, prenons bien soin de notre vie fraternelle : que « cessent les querelles » comme nous le chantons le Jeudi Saint, les agacements, les susceptibilités, les rancoeurs, tellement secondaires à par rapport à la question de vie et de mort qui se joue pour beaucoup dans nos pays. Et prenons bien soin de la joie commune car il nous faudra durer ; en étant aussi disponibles à l’imprévu et à tout ce qui nous sera demandé. Comme les Apôtres nous avons reçu l’Esprit Saint pour être humblement à la hauteur de ces événements graves et inconnus.

*Enfin 4ème cas : Paul et Silas dans leur prison (Ac 16, 23-25). Ils sont non seulement confinés mais enchaînés, les pieds pris dans des ceps de bois… Plus de mission, immobilité complète… !

Et alors que font-ils ? Ils chantent les louanges du Seigneur, cette mission qui demeure, de chanter avec cœur, dynamisme et soin. C’est cette louange qui nous relie profondément à tous, qui donne sens aux événements, qui tient et qui nous tient « C’est toi qui sur les temps maintient cette hymne », et c’est la louange qui est notre arme de combat : « rempart que tu opposes à l’adversaire » Ps 8. Que tu opposes à toute dramatisation, panique, découragement.

 

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