Au coeur de la mort, la solidarité…

Joachim, c’est ce jeune garçon Pygmée Aka, l’un de nos élèves de l’école de ce campement (ici avec son maître et Sr Prisca). Il était brillant élève, malgré ses nombreuses absences pour cause de chasse ou de cueillette en forêt… le lot de toutes les classes des campements où il faut au maître souplesse et passion pour fidéliser les enfants tout en respectant le rythme du village, calqué sur les lois de la nature.

Joachim souffrait d’obésité, ce qui est extrêmement rare chez les Akas… et peut-être d’une maladie qui en était la cause, nous ne le saurons jamais. Pendant une longue période en forêt, loin du campement habituel et de toute commodité, une blessure à la jambe a dégénéré en plaie surinfectée, d’une rare gravité.

Les soins traditionnels, dont les Pygmées ont le secret, n’y ont rien fait. Et très vite, comme il est de coutume, la maladie a été vue comme acte de sorcellerie. Quand l’enfant a été amené à NGOTTO par Pierre, un jeune papa éveillé du campement, il était déjà tard. Transféré à l’hôpital de BODA, la famille n’a pas accepté le rythme de ces soins trop médicaux et a regagné le village.

Quand Joachim nous a été amené sur une charrette en dernière urgence, nous ne savions que faire. L’enfant souffrait atrocement et attendait tout de nous. Nous l’avons installé dans une pièce à la paroisse avec sa maman, et nourri au mieux car il avait faim, mais que faire de cette plaie pratiquement intouchable qui avait pris toute la jambe? Seule l’amputation semblait pouvoir le sauver. Une seule chance était là: l’arrivée prochaine à MBAÏKI du Professeur ONIMUS, chirurgien orthopédique franc-comtois* qui vient opérer depuis plusieurs décennies en RCA. Sœur Rosine a fait ce qu’elle a pu pour le calmer et éviter l’aggravation du mal. Un petit miracle s’est produit puisqu’il a pu supporter le voyage jusqu’à MBAÏKI, puis Bangui où il a été transféré pour l’opération, accompagné de Pierre et de sa maman. Quelle aventure pour eux!!

Joachim a donc été opéré au Complexe Pédiatrique de BANGUI dans de bonnes conditions. Le pronostic après l’opération avait donné bon espoir à tous. Nos Petites Sœurs de BANGUI avaient commencé à visiter l’enfant et à accueillir la maman un peu perdue…! Celles qui avaient vécu à NGOTTO étaient d’un grand réconfort pour eux. Mais voilà qu’après trois jours, sa santé s’est vite dégradée et l’enfant a succombé.

Nous savions le risque grand, mais nous l’avions pris pour tenter de sauver une vie. Maintenant, il était mort… loin de son campement, où les traditions autour de la mort sont si fortes. Que fallait-il faire? Nous ne pouvions ramener le corps jusqu’à Ngotto par une telle chaleur, mais ne pouvions pas non plus l’enterrer dans l’anonymat de la grande ville. Après réflexion, nos Petites Sœurs de Bangui ont fait tout le nécessaire et trouvé un véhicule pour amener le corps à MBAÏKI (terre de la Lobaye!). Avec les Sœurs de la Charité (de Mère Térésa) et le curé de la Cathédrale, précédemment à NGOTTO, nous avons pu enterrer dignement notre enfant après un temps de prière à l’église et un message fort du père Maximin.

Par la suite, le retour au village fut douloureux, mais l’occasion pour Pierre d’exhorter ses frères à ne pas négliger la santé des enfants et de témoigner de la grande chaîne de solidarité qui s’est tissée autour de Joachim jusqu’à la fin.

Petite Sœur Isabelle

 

 

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