• Un Jubilé masqué !

    Ce  29 octobre, juste avant le confinement, les Petites Soeurs qui habitent au foyer-logement de Beaupréau (49) ont vécu un temps d’action de grâce pour les 70 ans de l’engagement de notre Petite Sœur Solange en vie religieuse franciscaine.

    Dessin fait par une Petite Soeur pour les 50 ans de vie religieuse de Solange

    Le 19 juin 1950, Solange faisait sa 1ère profession chez les Petites Sœurs franciscaines de Notre Dame de Lenne.

    Au lendemain de la guerre, Solange a entendu avec force l’appel du Seigneur qui lui a fait quitter sa famille, pour arriver en terre et en congrégation « inconnues ». Des témoins dont le Père Aloïs, l’ont aidée à faire ce pas pour rejoindre les Petites Sœurs de Lenne qui se dévouaient au service des enfants orphelins ou abandonnés.

    Après sa profession, se sont passés 18 ans, durant lesquels, elle a été envoyée à St Yaguen, au noviciat, à Séverac le Château, à Esvre en Touraine puis arrivée à Angers en 1968 à l’école des travailleuses familiales… pour partir en Centrafrique de 1969 à 1976 avec une présence active près des mères et aussi sur les routes, comme chauffeur pour l’approvisionnement des fraternités.

    Au retour de Centrafrique, Solange s’est investie dans diverses missions à Goos, St Yaguen, Millau, Lenne, Montpellier (l’hortus et la Roseraie) et c’est à Beaupréau qu’elle poursuit une mission nouvelle auprès des Résidents depuis 2010 !

    Ce 29 octobre, François Richer, prêtre de notre Paroisse a pu se déplacer pour célébrer l’Eucharistie et rendre grâce avec nous, pour ce chemin parcouru où les joies et les épreuves se sont mêlées et où la présence de l’Esprit Saint a été lumière et paix.

    Les Petites Soeurs et la famille de Solange n’ont pu nous rejoindre mais tous ont été bien présents à notre prière.

    Avec notre Petite Sœur Marie Germaine Binenda qui elle aussi, fête ses 70 ans de vie consacrée nous chantons : « Louez et bénissez mon Seigneur. Rendez-lui grâce et servez-le en toute humilité ! »

  • Quelques perles de Sainte Claire

    Sainte Claire, à travers ses différents écrits, nous offre des perles pour notre vie spirituelle. En voici quelques unes :

    Aime de tout ton être Celui qui par amour pour toi, s’est donné tout entier… (3e Lettre de Sainte Claire à Agnès de Prague)

    Désire par-dessus tout l’Esprit du Seigneur et laisse-Le agir en toi… (Règle de Sainte Claire 10,7)

    Regarde-Le, médite-Le, contemple-Le et n’aie d’autre désir que de L’imiter.… (3e Lettre de Sainte Claire à Agnès de Prague)

    Réjouis-toi toujours dans le Seigneur (3e Lettre de Sainte Claire à Agnès de Prague)

    Ne permets à aucune amertume, à aucun nuage, de venir assombrir ta joie. (3e Lettre de Sainte Claire à Agnès)

    Sois béni, Seigneur, de m’avoir créée ! (dernière parole de Sainte Claire)

    Ne recule jamais. Hâte-toi au contraire et cours d’un pas léger… Va, confiante, allègre et joyeuse ! Avance sur le chemin du bonheur. (2e Lettre de Sainte Claire à Agnès de Prague)

    Ce que tu fais, fais-le bien (2e Lettre de Sainte Claire à Agnès de Prague)

    Demeurez toujours les amies de Dieu, de vos âmes et de toutes vos sœurs. (Bénédiction de Sainte Claire)

    Que le Seigneur soit toujours avec vous, et puissiez-vous être, vous aussi toujours avec Lui ! (Bénédiction de Sainte Claire)

    Aimez-vous les unes les autres de l’amour dont le Christ vous a aimées. (Testament de Sainte Claire)

    J’avertis et j’exhorte, en notre Seigneur Jésus-Christ, toutes mes sœurs, présentes et à venir, d’avoir à suivre toujours la voie de la sainte simplicité, de l’humilité et de la pauvreté. (Testament de Sainte Claire)

    Heureuse celle qui aime de tout son cœur
    Celui dont la beauté fait l’admiration des anges pour l’éternité,
    Celui dont l’amour rend plus heureux
    et la contemplation plus fort,
    Celui qui nous comble de sa bonté
    et nous imprègne de sa douceur… (4e Lettre de Sainte Claire à Agnès de Prague)

    La plus grande de toutes les grâces que nous avons reçues et que nous recevons chaque jour de notre grand Bienfaiteur, le Père des Miséricordes, celle dont nous devons lui être le plus reconnaissantes, c’est notre vocation. (Testament de Ste Claire)

    Pour mieux connaître sa vie : La vie de Ste Claire

  • La joie de la relation entre les Soeurs aînées et des Jeunes !

    voir la vidéo : des rayons de soleil !

  • Une vie remplie d’amour !

    « Jeanine, dans ta jeunesse, tu avais entendu cet appel comme celui des premiers disciples : «Viens et suis-Moi» ; et comme les Apôtres qui quittèrent tout pour suivre Jésus, tu as quitté ton cher pays natal, ta famille et tes amis. Sans savoir où cela te conduirait… Un Oui donné pour toujours.

    Dans ta vie religieuse, tu as répondu à beaucoup d’appels dans différentes fraternités en France et en Centrafrique (Crampel, Dékoa, Alindao, Grimari). Aujourd’hui, je ne veux pas laisser passer les 50 années de présence en Centrafrique ; enseignante de profession, plus que cela : de vocation, une mission, dans le souci d’éduquer, de former les enfants, de les faire grandir, préparant leur avenir. Le tout, dans le respect du travail avec tous les enseignants, confiante que la relève serait assurée.Dans les paroisses, les mouvements de jeunes, le service vocationnel, préparer et soutenir les jeunes séminaristes, les vocations religieuses, fut aussi une de tes priorités.

    A l’école, les enfants participaient au jardin, pour la nourriture et pour les aider à payer leur petite cotisation, car dit un proverbe africain : « à qui te demande un poisson, apprends-lui à pécher ».

    Les danseuses animaient les célébrations eucharistiques, sans fausse note bien entendu… Jeanine, tu étais très discrète. Nous sommes témoins de ta foi profonde, femme de prière et d’action, de ta dévotion à Notre-Dame de Liesse si chère à ton cœur, dans le diocèse de Laon où chaque lundi de Pentecôte a lieu un grand pèlerinage.

    Ton retour en France après 50 années ? Le temps était venu de te mettre à l’écart et de te reposer. Ce fut pour toi un très grand changement mais tu l’as vécu sereinement, abandonnant tout dans les mains du Seigneur, comme ces sept années de maladie.Tu nous a fait un beau cadeau d’une vie remplie de l’amour du Seigneur et des autres. Ta mission continue, prie pour nous.Avec toi nous chantons : «aimer c’est tout donner…». La Parole de Jésus : ceux-là qui m’ont suivi, ils seront avec moi dans le Royaume des Cieux. Pars en paix et merci Petite Sœur Jeanine.

    Notre Petite Sœur Jeanine GROSJEAN est décédée à la Résidence St-François dans sa 89 ème année et sa 65ème de profession religieuse.

    Marie-Thérèse Baslé, Petite Soeur à Morannes

  • Un Dieu en pandémie ?

    Un Dieu « anti-pandémique », un Dieu « post-pandémique »

    ou un Dieu « dans la pandémie » ?

    Michael P. Moore, Frère Mineur Franciscain (Hermano de la Provincia argentina San Francisco Solano, desde 1986. Actualmente reside en Salta, ciudad ubicada al norte de Argentina. Doctorado en Teología Fundamental por la Universidad Gregoriana de Roma).

    Publié dans Digital Religion le 27 mars. Traduit de l’espagnol par Jean Claude Sauzet.

    Adaptation libre et sous-titres par Guy Aurenche

    Il convient d’en parler.

    « A propos de ce dont on ne peut pas parler, il est mieux de garder le silence », a déclaré le philosophe autrichien L. Wittgenstein. Il faisait référence à des « thèmes » comme ceux que je veux réfléchir brièvement : Dieu, le monde, la liberté etc. « Ce dont vous ne pouvez pas parler … » Je pense qu’il vaut mieux essayer d’en dire quelque chose, avec respect, mais avec clarté et fermeté (du moins, avec la clarté et la fermeté que les choses de la foi nous permettent). Parce que ce qui est en jeu dans ces situations est – ni plus ni moins – que notre image de Dieu : qui est le dieu sur lequel ma foi est basée et comment se rapporte-t-elle à nos histoires ?

    Humainement, il est compréhensible que, dans des situations de grandes calamités, l’homme – d’hier et d’aujourd’hui – aille à Dieu ou aux divinités – quel que soit leur nom – pour résoudre ce que nous et les sciences ne pouvons pas résoudre …  surtout quand le plus beau cadeau que nous ayons est menacé : la vie.

    Que Dieu intervienne !

    Plus précisément, en ces jours où nous sommes sérieusement en proie à une pandémie, on voit, dans différents secteurs de l’Église – et je me réfère spécifiquement à l’Église catholique, à laquelle j’appartiens – des recours aux chaînes de prière, demandes d’intercession aux saints, prières devant des images (supposées) miraculeuses, etc.  De sorte que, par sa médiation, Dieu intervienne  et arrête le fléau, ou du moins réconforte le cœur brisé. Cette attitude suppose, à un niveau préconscient, que Dieu peut le faire et qu’il le fera peut-être, si nous insistons « avec beaucoup de foi ».

    Inévitablement, si nous réfléchissons un instant à cette position, nous nous retrouvons avec des invraisemblances qui ne font qu’infantiliser ou affaiblir la foi : si Dieu peut éviter ce malheur, pourquoi ne l’a-t-il pas fait avant ? (Nous supposons que nous avons déjà surmonté l’image d’un dieu qui a envoyé des malheurs comme punition ou comme défi).

    Dieu a-t-il besoin de nous pour le convaincre d’intervenir ?

    On donne à croire que nous sommes beaucoup plus miséricordieux et attentifs aux souffrances du monde que Dieu lui-même. (Voir sur ces sujets, le théologien espagnol A. Torres Queiruga, qui « définit » Dieu précisément comme « Anti-mal »). Cela implique que Dieu soit un Grand Magicien qui, du « ciel » et de temps en temps – très peu souvent, soit dit en passant – intervient à coups de baguette magique pour interrompre le cours des lois et des libertés et ainsi éviter la souffrance des hommes.

    C’est la responsabilité des hommes et pas de Dieu.

    Le COVID 19 existe parce que les virus font également partie d’un monde fini et toujours en évolution. Celle-ci est bien le seul moyen de création pour un créateur. Le frein à ce fléau dépend de la découverte du vaccin nécessaire, et c’est le travail et la responsabilité de l’homme, pas de Dieu.

    L’histoire est entre nos mains … et nos mains, soutenues par Dieu (si je peux me permettre une telle métaphore anthropomorphique ; c’est Dieu qui « fait » les hommes). Au motif que nous ne pouvons pas enlever au croyant son dernier espoir que « Dieu peut faire quelque chose » – si nous sommes nombreux à insister – nous offrons à l’homme un antidote que nous savons fausse, car cela ne le guérira pas. Cela ne me semble pas honnête. Une autre position – très différente – est celle du croyant qui sait qu’il est habité, soutenu et accompagné par l’Esprit et l’exprime dans sa prière ; ce croyant sait que sa vie est plongée dans une autre vie dont il est né et dans laquelle il reviendra. Il ne croit pas que la mort ait le dernier mot…. Même si, l’avant-dernier … est très douloureux !

    Ces brèves lignes auraient besoin de plus d’explications (par exemple, pour surmonter le fondamentalisme biblique), car il y a beaucoup d’enjeux. Nous traînons des années de catéchisme qui a condamné de nombreux croyants à l’infantilisme ou conduit  beaucoup d’autres à s’éloigner de Dieu. Nous devons marcher vers une foi adulte qui nous permette de dire un mot de la foi à la hauteur des circonstances actuelles. « Soyez toujours prêts à donner raison de votre espérance à tous ceux qui vous le demandent, mais faites-le avec humilité et respect » (1 P 3.15).

    Amour ou toute puissance ?

    Il est nécessaire d’arrêter de faire peser sur Dieu la responsabilité de freiner  ce mal qui sévit aujourd’hui chez de nombreux hommes et femmes. Dieu n’envoie pas de souffrances au monde ni, à proprement parler, ne les « autorise » pas, puisque cela supposerait de croire que, pouvant les éviter, Il ne le fait pas. « Quel père, quelle mère ne feraient pas tout ce qui est leur en pouvoir pour minimiser la douleur de leurs enfants ? » (A. Torres Queiruga). Si, comme nous les chrétiens l’affirmons, Dieu est amour, il serait contradictoire à son essence de penser qu’étant en mesure d’éviter la souffrance il ne le fait pas pour une raison « mystérieuse ». Par conséquent, clairement, nous devons repenser également le thème de la soi-disant « toute-puissance divine ». Mais je préfère dans cet espace répondre non pas à la discussion hypothétique et théorique, mais à un fait concret. J’ai donc intitulé ces lignes de l’idée d’un « Dieu post-pandémique ». Je m’explique.

    Face à la croix de Jésus.

    Nous, chrétiens, croyons que Dieu s’est révélé d’une manière complète – mais pas unique – dans l’histoire de Jésus de Nazareth dont la vie se termine par l’échec de la croix (J. I. González Faus) – nous omettons souvent la résurrection -. Au milieu de ce scénario de douleur, les évangélistes mettent dans la bouche de ceux qui contemplent le crucifié, une sorte de supplication, comme un défi : « Si c’est le Fils de Dieu qu’il descende  de la croix et ainsi nous croirons en lui … » (Mt 27, 40 ; Mc 15,31 ; Lc 23,35). Cette attitude est extrêmement compréhensible, j’ose dire « très humaine ». Je pense que c’est celle de chaque croyant – de n’importe quelle croyance – face au mystère de la douleur : demander à être descendu de la croix. C’est ici, me semble-t-il, qu’est née une grande partie de la nouveauté paradoxale du christianisme : parce que le Père ne descend pas son Fils bien-aimé de la croix, il meurt. Et il meurt souffrant, sans succès, seul, oscillant entre le désespoir (Mc 15, 34) et la remise confiante (Lc 23, 46).

    Alors, les chrétiens, c’est-à-dire nous qui mettons  le centre de notre foi dans l’histoire de Jésus, devons faire de la théologie après ce fait concret : Dieu ne l’a pas dé-cloué « miraculeusement » de la croix. Faire de la théologie, penser la foi à l’âge adulte signifie assumer ce fait dur de la réalité et se demander : s’il n’est pas intervenu dans le destin de son Fils – parce que cela aurait impliqué de violer la liberté des hommes qui avaient décidé que sa proposition était inutile – avons-nous le droit d’exiger qu’il le fasse dans nos histoires ?

    Il ne « saute » pas la mort.

    Sur la croix Il y a aussi une révélation : il nous est dit quelque chose d’important sur Dieu et sur la vie, sur les victimes et les bourreaux. La première évidence : notre Dieu respecte l’autonomie de ses créatures et de sa création ; et, deuxième évidence : le pouvoir scandaleux de l’injustice sur le bien, des bourreaux sur les victimes. Cependant cette violence n’a que l’avant-dernier mot. Chrétiens, nous croyons à la résurrection, comprise non pas comme la renaissance d’un cadavre, mais comme le triomphe de la vie sur la mort : Dieu a le dernier mot et relativise ainsi la puissance de la mort. Mais, n’oublions pas qu’il ne la « saute » pas mais il la traverse : Jésus se lève après sa mort.

    Le Père ne le descend pas de la croix et le sauve de la tombe. J’insiste sur ce point pour ne rien retirer de « l’obscurité » dense de la mort qui est la plus haute expression de notre fragilité. D’une certaine manière, Dieu nous « comprend » parce qu’il souffre la mort de son premier-né – et continue de souffrir chaque mort de chaque fils – ; mais, même souffrant, il ne fait pas le « miracle ». Et notez que les Juifs pieux ont dit que si ce présage s’était produit (qu’il soit descendu de la croix), ils croiraient en lui … D’autant plus que l’on peut se demander : Jésus n’est-il pas venu pour que nous croyions en lui, son message, et dans le Père. Alors qu’est-ce que cette « abstention » nous montre ? Pourquoi n’va-t-il pas fait ce « petit effort » et tout le monde aurait cru – hier et aujourd’hui – en lui ?

    Théologie en période de pandémie.

    Dieu ne négocie pas sa manière d’être et de travailler selon nos conditions. Notre foi ne peut pas dépendre de ces interventions pseudo-miraculeuses. Au moment où j’écris ces lignes, aujourd’hui et seulement en Italie (mi-mars 2020), plus de 600 personnes sont mortes, plus de 600 enfants de Dieu. Ce ne sont pas des chiffres ; ce sont des vies et ce sont des histoires. Et ce sont des familles qui sont détruites. Personnellement, je fais de la théologie après la croix, après la pandémie. Et je me demande – encore une fois – qui est et comment est mon Dieu. Et tout comme je n’ai pas demandé pour ma mère qu’Il la délivre de souffrir en mourant, je ne le ferai pas non plus aujourd’hui. Je découvre le Dieu en qui je crois, soutenant tant d’hommes et de femmes qui, dans ces moments risquent leur vie pour que d’autres vivent. Et je renouvelle – dans le clair-obscur de l’histoire, ma profession de foi pleine d’espoir qui me murmure : la mort n’a pas le dernier mot. Mais oui la mort a les avant-derniers mots qui sont un scandale et une souffrance extrême.

    J’essaie de réfléchir et d’inviter à une lecture de la foi sur cet événement douloureux dont souffre une grande partie de l’humanité. Pour les croyants et pour les chercheurs de sens, en ces moments de douleur, le regard du cœur se tourne vers le ciel en demandant pourquoi Dieu ne fait pas quelque chose ? Où est-il alors que tant de ses enfants se détruisent dans la douleur et glissent lentement vers la mort ? Y va-t-il vraiment un Dieu … et s’il existe, à quoi ressemble-t-il ? Ce sont des questions auxquelles je n’ai pas l’intention de répondre de manière exhaustive; mais en tant que croyant – et en tant que théologien – la vie et, en ce moment, son côté obscur, me mettent au défi de dire quelque chose qui me console, qui me soutienne, qui continue de m’encourager et qui ne se résout pas dans la position qui, (à mon avis semble un peu fidéiste) répète : face au mal, vous devez fermer les yeux et l’intelligence parce que c’est un mystère … comme Dieu l’est.

    Dieu souffre avec…

    Sans aucun doute, Dieu est essentiellement un mystère qui, même après s’être révélé, reste tel ; et  cela est exacerbé lorsque nous mettons en dialogue le couple Dieu-mal. Mais cela ne nous inhibe pas. Bien au contraire, je pense que cela nous pousse à essayer de dire quelque chose. Avec peur et tremblement. Mais quelque chose. Nous regardons dans le mystère, nous osons balbutier quelques mots, même s’ils sont provisoires. Si j’ai ainsi parlé d’un « Dieu anti-pandémique » et d’un « Dieu post-pandémique », j’aimerais maintenant essayer de découvrir quelque chose de Dieu au milieu de cette réalité : un « Dieu dans la pandémie ». La thèse est que d’une manière ou d’une autre – et j’insiste sur cette qualification – Dieu souffre dans et avec ceux qui souffrent de ce fléau, et Il sauve aussi avec et par tant de personnes qui risquent leur vie pour que d’autres vivent.

    Je suis conscient du risque d’anthropomorphisation que cela implique ; mais je préfère prendre ce risque plutôt que de postuler un Dieu indifférent et oisif, ou un Dieu miraculeux qui n’a pas encore décidé d’arrêter cette pandémie – parce que peut-être nous ne l’aurions pas encore convaincu sur la base des supplications et des offrandes -. Au moment où j’écris ceci, les victimes officiellement reconnues dépassent déjà de loin les 13 000. Parmi les nombreux textes bibliques que j’ai pu choisir comme déclencheur de cette réflexion, je veux m’arrêter à un seul, car je pense que c’est le plus explicite. Je fais référence au passage de Matthieu dit « du jugement dernier » Mt 25,31-46. Enveloppée dans le langage apocalyptique de l’époque, l’une des vérités les plus importantes du christianisme est contenue dans l’impossibilité de séparer l’amour de Dieu de l’amour de l’homme, et la nécessité de trouver Dieu en l’homme et l’homme en Dieu. Plus concrètement, le texte parle de l’homme qui souffre de maux différents : faim, pauvreté, exclusion, prison, maladie … et il est urgent d’étendre la liste à tant d’autres « nouvelles » souffrances que souffrent nos contemporains. Mais, pour le moment, il est significatif que Jésus parle spécifiquement du mal de la maladie. Et qu’il se déclare identifié à celui qui en souffre : « chaque fois qu’ils l’ont fait … ils me l’ont fait ». La clé est dans ce verset 40 : « pour moi » ; en effet, « le verre d’eau donné aux pauvres ne pourrait pas atteindre le Christ si la soif de ces pauvres ne l’avait pas atteint au préalable » (J. I. González Faus).

    Il y a une identification en vérité – si je peux être si audacieux –  et non d’abord comme un signe (sacramentel). Jésus ne dit pas « c’est comme s’ils me l’avaient fait », mais « ils me l’ont fait ». De là découle une première révélation : d’une manière ou d’une autre, Dieu souffre par son Fils dans la souffrance de chaque homme avec lequel il continue de s’identifier. Il y a une sorte de « prolongation » du Crucifié dans la chair blessée des hommes et des femmes encore crucifiés, aujourd’hui, dans cette pandémie. C’est pourquoi nous intitulons ces lignes « Dieu dans la pandémie », comme une invitation à essayer de découvrir où se trouve notre Dieu au milieu de cette nuit noire. Et la réponse qui découle du texte évangélique est : Dieu souffre avec celui qui souffre. Comme le prophète Isaïe proclame aussi : « dans toutes leurs afflictions, il a été affligé » (Is 63,9). Bien sûr, pour beaucoup, cela ne suffit pas. Parce qu’ils préféreraient non pas un Dieu qui souffre avec eux mais un Dieu qui évite la souffrance, qui ne souffre pas ou ne permet pas la souffrance. C’est humainement compréhensible. Mais est-ce cela qui est révélé dans le Crucifié ? Pour cette raison, comme nous l’avons suggéré, le thème de ce mal concret nous invite à repenser qui est le Dieu auquel nous croyons.

    Éviter la souffrance de Dieu dans l’histoire.

    Dans le texte que nous commentons, une autre révélation scandaleuse est proposée comme réponse : Dieu est présent non pas comme celui qui évite la douleur du monde, mais comme celui qui la souffre et la supporte et, par conséquent, c’est l’homme qui est appelé à éviter la souffrance de Dieu dans l’histoire. La question que l’homme adresse au ciel au milieu de sa douleur, « pourquoi ne faites-vous pas quelque chose ? », Dieu la renvoie à l’homme par son identification avec la victime. Et de là, il nous demande de soulager sa douleur, qui est la même que celle de sa créature. Dieu est celui qui souffre et c’est l’homme qui est appelé à donner le verre d’eau pour étancher sa soif, qui est la même que celle des assoiffés. Aujourd’hui, c’est l’homme qui est appelé d’urgence à aider – par tous les moyens possibles – dans cette pandémie. Ainsi, encore une fois, la discrétion « insupportable » de Dieu se révèle à nous (Ch. Duquoc) qui affirme l’autonomie totale de l’histoire et qui n’intervient qu’avec l’appel silencieux de son amour. Dieu comme solidarité qui accompagne, et non pas comme puissance qui intervient et revendique (J. I. González Faus). Ou qui ne le fait qu’à travers tant et tant de gens qui, dans ces moments précis, risquent leur vie au profit d’un autre … généralement inconnu. Une gratuité totale. Et peu importe au nom de qui ils font ce qu’ils font : cela est clair dans le passage de Matthieu. Tous déclarent qu’ils n’ont pas rencontré Dieu, c’est-à-dire qu’ils n’aident pas «au nom de Dieu ». Cependant, le salut y est en jeu. Et je veux étendre le sens de ce mot si ambigu dans le langage de la foi, vers l’au-delà : vivre sauvé, ici et maintenant, signifie avoir trouvé un sens complet à la vie. Au risque de perdre la sienne.

    La réalité insolente du mal et de la douleur dans le monde – qui provient aujourd’hui du virus COVID 19 – pousse le scandale et la protestation de la foi, à douter plutôt qu’à consentir. Mais cela peut aussi être l’occasion de purifier cette même foi et de découvrir ce qui est essentiel en elle. Pour ma part, je voudrais conclure, avec l’exhortation que Jésus lui-même nous fait : « Je veux la miséricorde et non le sacrifice » (Mt 9,13 ; 12,7). Tant que Dieu ne deviendra pas « tout en tous » (1 Co 15, 28), la souffrance continuera dans le monde. En attendant, il s’agit de découvrir un « Dieu en pandémie » et de pratiquer la miséricorde, pour soulager notre douleur, qui est la sienne.

  • Une bibliothèque de rue au village

    Petite Sœur Prisca, tu t’es passionnée pour l’idée de lancer une bibliothèque de rue à N’gotto. D’où t’est venue cette idée et en quoi consiste t-elle ?
    Dans le cadre de ma formation de médiatrice socio-culturelle, il m’avait été demandé d’aller sur le terrain, en lien avec ATD Quart-Monde. J’avais travaillé dans deux lieux: le village KOULAMANDJA à 22 km de BANGUI et le quartier Boeing, proche de l’aéroport. Chaque mardi et jeudi, j’étais là pour faire des activités avec les enfants. Nous avions pour priorité les enfants qui n’allaient pas à l’école. J’ai appris à rassembler les enfants autour d’un livre. Lors de l’animation, ils peuvent feuilleter les livres, les albums… Il y a toujours un temps de partage et d’échange sur leurs découvertes. L’animation ne se limite pas aux livres. On danse ! Il y a des contes, des devinettes, des jeux de connaissance, des sketchs… tout ce qui peut éveiller des enfants qui ne vont pas à l’école.

    En arrivant à NGOTTO, j’ai constaté un grand nombre d’enfants non scolarisés. Cela m’a donné envie d’initier la bibliothèque de rue. A la rentrée scolaire, en septembre, j’ai réuni les enfants et commencé quelques activités. Ils sont venus, ils s’intéressaient. Avec ma fraternité, nous avons réfléchi comment mettre ce groupe en place, par quels moyens… Nous en avons parlé à la paroisse et dans les autres Eglises, ainsi qu’aux mamans de la Coopérative Frère Soleil.

    Aujourd’hui, la Bibliothèque de rue de N’gotto est bien implantée. Quels enfants sont touchés? Où les réunis-tu?

    Je vise surtout les plus démunis, mais bien sûr, tous sont attirés et viennent. Ca se passe dans l’espace proche de la paroisse ou au terrain de football, mais je pense aller aussi dans les quartiers en sollicitant un espace dans des familles. Quand nous arrivons dans un endroit, nous étalons une grande natte… et on commence à chanter, à danser. Les enfants arrivent de tous côtés. Ça se passe le dimanche après-midi.
    J’ai constitué une petite équipe de quelques jeunes qui sont intéressés et qui se lancent peu à peu dans l’animation : William, jeune papa, membre d’une Eglise protestante et responsable d’un groupe de scouts, Anselme, Gertrude et Liliane, des jeunes collégiens qui ont envie d’aider leurs cadets et qui s’intéressent aux livres.
    Je choisis des albums ou des livres d’histoires illustrés, et je raconte en sango, la langue nationale (alors qu’en famille, les enfants parlent le dialecte local, le bofi). C’est une activité inhabituelle. Même à l’école, les livres sont rares. Ils découvrent des choses nouvelles.

    Quelques exemples: l’histoire de Cendrillon leur a dit beaucoup de choses, dans ce milieu où les enfants travaillent beaucoup et où beaucoup vivent hors du foyer familial (orphelins ou placés chez un parent). Un documentaire sur la vie de la chèvre et ses petits : ici, au village, on vit au milieu des cabris en liberté, alors ça intéresse… L’histoire d’un enfant qui aime le foot, mais qui est maladroit : les ballons sont rares au village et font beaucoup d’envieux, c’est la distraction préférée des garçons. L’histoire du lion qui vit seul mais qui cherche comment se faire des amis : toute une réflexion sur la vie de groupe… Et puis ensuite, quand la lecture est finie, on anime le quartier, on chante, on danse ensemble !…

    Ta mission t’amène à travailler à la paroisse avec les enfants et les jeunes, avec les enfants pygmées akas, et aussi avec les femmes et les jeunes mamans dans le cadre de la Coopérative frère Soleil. Quel lien vois-tu avec cette bibliothèque de rue?

    Oui, partout c’est la même optique. A la paroisse, nous organisons des temps de formation et des temps de détente avec les jeunes, des sorties. Je m’occupe aussi des enfants Akas qui sont scolarisés à NGOTTO pour leur suivi et leur nourriture. Du côté des femmes, il s’agit de la formation intégrale et humaine, le partage des savoirs et les activités manuelles faites ensemble dans l’esprit de la coopérative. Dans tous ces lieux, c’est le même esprit de partage et de rencontre.
    Nous nous excusons pour la mauvaise qualité des photos. Le confinement et la difficulté des outils de communication en Centrafrique compliquent la diffusion des photos.

  • Nées pour la compassion

  • Les petits riens du quotidien ou l’amour mis en actes

    Le trésor transmis par Mère Joséphine est la source de notre être et de notre agir de Petites Sœurs aujourd’hui.

     A la fraternité, rue du docteur Guichard, à Angers nous essayons de concrétiser notre charisme de « garde-malades » en prenant soin les unes des autres. En prenant soin de la personne dans toutes ses dimensions ; corporelle, morale, spirituelle, familiale. Ce « prendre soin », demande bonté, amour, tendresse.

    Voici quelques réflexions prises sur le vif de notre quotidien….

    « La réunion commence dans 5 minutes. En passant, j’ai frappé à la porte de ma voisine pour lui rappeler qu’il est l’heure de descendre. »

    « Quand tu auras fini de préparer tes plats, tu laisseras la vaisselle, je viendrai l’essuyer. »

    « Merci à la Petite Sœur qui a mis le couvert, j’avais complètement oublié que c’était à moi de le faire ! »

    « Je ne serai peut-être pas rentrée quand SODEXO viendra livrer les repas. Est-ce que tu pourras leur ouvrir la porte, s’il te plaît ?- Oui, bien sûr, je suis là ! »

    « Tu ne t’inquiètes pas pour tes papiers… J’irai faire les démarches à la Sécu. »

    « Tu aimerais regarder la télé ?    Je monte l’allumer. » 

    « Aujourd’hui, on n’est que le 15. A la fin du mois, je viendrai compter les médicaments et on ira ensemble à la pharmacie renouveler l’ordonnance. »

    « Ce matin, je peux commencer le repassage, ça t’avancera !

    « C’est dimanche aujourd’hui ! Il est bientôt 3 heures, je vais aller chercher le Rummikub. Toi, tu peux chercher une troisième Petite Sœur ? J’en connais une qui sera contente de se détendre un peu en jouant avec nous. »

    « Je vais cueillir quelques petites fleurs dans le jardin, et je lui ferai un beau paquet pour son cadeau d’anniversaire ! »

    Et nous chantons ensemble !

     Si, aller de par le monde, fut bon pour nos jeunes années,

    Grandir en fraternité, reste toujours d’actualité !

    Entre nous et avec tous, voisins, famille et amis.

    Vous pouvez venir chez nous, vous serez bien accueillis !

  • Envoyées pour annoncer la tendresse de Dieu

    Nous Petites Soeurs, rassemblées pour témoigner, en fraternité,

    envoyées pour annoncer la tendresse de Dieu à nos frères et nos soeurs !

     

    Nous sommes filles de Mère Joséphine

    Quand nous gardons ses paroles,

    Pour incarner la compassion,

    Près des malades hospitalisés

    Nous sommes filles de Mère Joséphine

    Quand nous suivons son exemple

    Pour visiter dans les quartiers

    Amis et personnes isolées

    Nous sommes les filles de Mère Joséphine

    Quand nous ouvrons notre porte

    Pour rencontrer, partager, prier

    Dans la grande diversité.

    Nous sommes filles de Mère Joséphine

    Quand nous enseignons aux plus jeunes

    Pour apporter la confiance et la paix

    Joie de grandir en humanité

    Nous sommes filles de Mère Joséphine

    Quand nous servons  la congrégation

    Pour veiller à notre charisme

    Dans la bienveillance, la simplicité

    Nous sommes filles de Mère Joséphine

    Quand nous servons nos sœurs aînées

    Pour demeurer dans la bonne entente

    Joie, humilité et fraternité

  • Le parcours du combattant pour une bonne scolarité…

    Je suis enseignante à l’école catholique Sainte Famille de NGOTTO, depuis deux ans. J’ai la charge d’une classe de CE2. Je voudrais vous parler de trois jeunes élèves qui viennent de BABOUNDJI, un village situé à 10 km de NGOTTO. Comme beaucoup d’autres, leur village n’a pas d’école depuis des années, les enfants y sont nombreux.

     J’accompagne trois garçons: Fabrice, Grâce à Dieu et Francelin. Ils ont de 10 à 14 ans et sont en classe du CE1 au CM1. Tous auparavant ont fréquenté l’école d’Etat, autre école de Ngotto. Mais le rythme des journées leur paraissait dur : ils quittaient leur village vers 4h du matin pour arriver avant le début de la classe à 7h30, mais les maîtres, peu nombreux, prenaient les élèves pour seulement 2h30 de cours  afin de laisser la place à un deuxième groupe. Les enfants marchaient donc beaucoup pour peu d’heures de classe. Fatigués, mal nourris, ils somnolaient en classe et ne bénéficiaient pas bien des leçons du maître.

    Ils sont venus m’expliquer leur problème : l’un d’eux avait été mon élève l’année dernière, mais il était reparti à l’école d’Etat car l’écolage y est un peu moins cher. J’ai fait part de cette situation à ma Fraternité puis j’ai essayé de parler avec les enfants pour voir avec eux comment les aider à trouver une solution. Ils m’ont expliqué que c’est par leurs propres efforts qu’ils avaient réussi à trouver l’argent nécessaire pour s’inscrire à l’école d’Etat, en vendant les feuilles de yetoum ou koko cueillies en forêt par les Pygmées Akas (ces feuilles,  mangées  avec la boule de manioc, constituent dans cette région le plat quasi quotidien des familles). Alors, je leur ai proposé d’en faire autant pour s’inscrire à l’Ecole catholique, et de les aider à gérer.

    Et ce fut chose faite ! Aujourd’hui, les trois garçons sont inscrits dans notre école. Depuis peu, ils ont décidé de trouver une petite maison à louer pour faire moins souvent les 20 kms à pied et pour pouvoir étudier davantage.

    Nous avons décidé de les aider pour la location et je suis proche d’eux pour toutes les questions qui se présentent. Je les aide à vendre leurs feuilles de la forêt et à gérer  ce petit commerce: parfois, ils me laissent l’argent et j’achète ce qui leur est nécessaire ou je les envoie au marché, nous gardons ce qu’il faut pour l’écolage et pour se procurer leur prochain stock de feuilles.

    Ils sont heureux de bénéficier de l’éducation comme tous les enfants, qui ont « droit à être éduqués, formés, soignés, nourris, vêtus »… Ils trouvent consolation ici : une personne pour les écouter ! Ils se sentent bien accueillis au sein de notre fraternité. Ils sont heureux d’être parmi les Petites Sœurs pour nous rendre des petits services simples, par exemple ces temps-ci, écosser les arachides de notre champ.

    Aïda, Petite Soeur de St François